Chap. 3. Pouvoir et nature de la primauté du pontife romain3059C'est pourquoi, Nous fondant sur les témoignages clairs des saintes
lettres et adhérant aux décrets explicitement définis tant par nos
prédécesseurs, les pontifes romains, que par les conciles généraux,
Nous renouvelons la définition du concile oecuménique de Florence, qui
impose aux fidèles de croire "que le Saint-Siège apostolique et le
pontife romain détiennent le primat sur tout l'univers et que le
pontife romain est quant à lui le successeur du bienheureux Pierre,
prince des apôtres et le vrai vicaire du Christ, la tête de l'Eglise
entière, le Père et le docteur de tous les chrétiens ; et que c'est à
lui qu'a été transmis par notre seigneur Jésus Christ, dans le
bienheureux Pierre, le pouvoir plénier de paître de diriger et de
gouverner l'Eglise universelle, ainsi qu'il est contenu dans les actes
des conciles oecuméniques et dans les saints canons " 1307
3060Ainsi donc, Nous enseignons et déclarons que l'Eglise romaine, par
disposition du Seigneur, possède sur toutes les autres une primauté de
pouvoir ordinaire et que ce pouvoir de juridiction du pontife romain,
qui est vraiment épiscopal, est immédiat. Les pasteurs de tous rites et
de tous rangs ainsi que les fidèles, tant chacun séparément que tous
ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de
vraie obéissance, non seulement dans les questions qui concernent la
foi et les moeurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline
et au gouvernement de l'Eglise répandue dans le monde entier ; de telle
manière que, en gardant l'unité de communion et de profession de foi
avec le pontife romain, l'Eglise est un seul troupeau sous un seul
pasteur suprême
Jn 10,16. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont personne ne peut s'écarter sans danger pour la foi et le salut.
3061Mais il s'en faut de beaucoup que ce pouvoir du souverain pontife fasse
obstacle au pouvoir de juridiction épiscopale ordinaire et immédiat par
lequel les évêques, établis par l'Esprit Saint
Ac 20,28successeurs des apôtres paissent et gouvernent en vrais pasteurs chacun
le troupeau qui lui a été confié. Au contraire, ce pouvoir est affirmé,
affermi et défendu par le pasteur suprême et universel, comme le dit
saint Grégoire le Grand : "Mon honneur est l'honneur de l'Eglise
universelle. Mon honneur est la force solide de mes frères. Je suis
vraiment honoré lorsqu'on rend à chacun l'honneur qui lui est dû."
3062En outre, de ce pouvoir suprême qu'a le pontife romain de gouverner
toute l'Eglise résulte pour lui le droit de communiquer librement, dans
l'exercice de sa charge, avec les pasteurs et les troupeaux de toute
l'Eglise afin de pouvoir les enseigner et les gouverner dans la voie du
salut. C'est pourquoi Nous condamnons et réprouvons les opinions de
ceux qui disent qu'on peut légitimement empêcher cette communication du
chef suprême avec les pasteurs et les troupeaux, ou qui
l'assujettissent au pouvoir civil en prétendant que ce qui est décidé
par le Siège apostolique ou par son autorité, pour le gouvernement de
l'Eglise, n'a de force ni de valeur que si le placet du pouvoir civil
le confirme.
3063 Et parce que, en
vertu du droit divin de la primauté apostolique, le pontife romain est
à la tête de l'Eglise universelle, Nous enseignons et déclarons encore
qu'il est le juge suprême des fidèles et que, dans toutes les causes
qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut faire appel à son
jugement 861 . Le
jugement du Siège apostolique, auquel aucune autorité n'est supérieure,
ne doit être remis en question par personne et personne n'a le droit de
juger ses décisions 638-642
. C'est pourquoi ceux qui affirment qu'il est permis d'en appeler des
jugements des pontifes romains au concile oecuménique comme à une
autorité supérieure à ce pontife s'écartent du chemin de la vérité.
3064(Canon) Si donc quelqu'un dit que le pontife romain n'a qu'une charge
d'inspection ou de direction et non un pouvoir plénier et souverain de
juridiction sur toute l'Eglise, non seulement en ce qui touche à la foi
et aux moeurs mais encore en ce qui touche à la discipline et au
gouvernement de l'Eglise répandue dans le monde entier, ou qu'il n'a
que la part la plus importante et non pas la plénitude totale de ce
pouvoir suprême ; ou que son pouvoir n'est pas ordinaire ni immédiat
sur toutes et chacune des Eglises comme sur tous et chacun des pasteurs
et des fidèles : qu'il soit anathème.
Chap. 4. Le magistère infaillible du pontife romain3065Que dans la primauté apostolique que le pontife romain. en tant que
successeur de Pierre, prince des apôtres, a reçu sur l'Eglise
universelle, soit inclus également le pouvoir suprême du magistère,
c'est ce que ce Saint-Siège a toujours tenu, ce que l'usage perpétuel
des Eglises confirme, et ce qu'ont déclaré les conciles oecuméniques,
et tout particulièrement ceux où l'Orient se rencontrait avec
l'Occident dans l'union de la foi et de la charité.
3066En effet, les pères du 6ème concile de Constantinople, marchant sur les
traces des anciens, ont émis cette solennelle profession de foi : "La
condition première du salut est de garder la règle de la foi juste
(...). Et parce qu'il n'est pas possible de négliger la parole de notre
Seigneur Jésus Christ qui dit: "Tu es Pierre et sur cette pierre je
bâtirai mon Eglise"
Mt 16,18,
ce qui a été dit est prouvé par les faits car la religion catholique a
toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique et la
doctrine catholique toujours professée dans Sa sainteté. Ne voulant
donc nous séparer d'aucune façon de cette espérance et de cette foi
(...), nous espérons mériter de rentrer dans la communion avec vous que
prêche le Siège apostolique, communion dans laquelle réside, entière et
vraie, la solidité de la religion chrétienne" 363-365 .
3067Et avec l'approbation du 2ème concile de Lyon, les Grecs ont professé :
"La sainte Eglise romaine possède aussi la primauté et autorité
souveraine et entière sur l'ensemble de l'Eglise catholique. Elle
reconnaît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du
pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre,
chef ou tête des apôtres, dont le pontife romain est le successeur. Et
comme elle doit, avant les autres, défendre la vérité de la foi, ainsi
les questions qui surgiraient à propos de la foi doivent être définies
par son jugement" 861 .
3068Enfin le concile de Florence a défini : "Le pontife romain est le vrai
vicaire du Christ, la tête de l'Eglise entière. Le Père et le docteur
de tous les chrétiens ; et que c'est à lui, qu'a été transmis par notre
Seigneur Jésus Christ dans le bienheureux Pierre, le pouvoir plénier de
paître, de diriger et de gouverner l'Eglise universelle" 1307 .
3069Pour s'acquitter de leur charge pastorale, nos prédécesseurs ont
travaillé infatigablement à la propagation de la doctrine salutaire du
Christ parmi tous les peuples de la terre et ils ont veillé avec un
soin égal à sa conservation authentique et pure, là où elle avait été
reçue. C'est pourquoi les évêques du monde entier, tantôt
individuellement, tantôt réunis en synode, se conformant à la longue
coutume des Eglises et aux formes de la règle antique, ont communiqué
au Siège apostolique les dangers particuliers qui surgissaient en
matière de foi, afin que les dommages causés à la foi fussent réparés
là où celle-ci ne saurait subir de défaillance.
Les pontifes
romains, selon que l'exigeaient les conditions de temps et des
événements, tantôt en convoquant des conciles oecuméniques ou en
sondant l'opinion de l'Eglise répandue sur la terre, tantôt par des
synodes particuliers, tantôt grâce à d'autres moyens que leur
fournissait la Providence, ont défini qu'on devait tenir ce qu'ils
avaient reconnu avec l'aide de Dieu comme conforme aux saintes lettres
et aux traditions apostoliques.
3070Car le Saint-Esprit n'a pas été promis aux successeurs de Pierre pour
qu'ils fassent connaître sous sa révélation une nouvelle doctrine, mais
pour qu'avec son assistance ils gardent saintement et exposent
fidèlement la Révélation transmise par les apôtres, c'est-à-dire le
dépôt de la foi. Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les
vénérables pères, vénérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes
; ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurerait pur de
toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et
Sauveur au chef de ses disciples : "J'ai prié pour toi, pour que ta foi
ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères"
Lc 22,32.
3071Ce charisme de vérité et de foi à jamais indéfectible a été accordé par
Dieu à Pierre et à ses successeurs en cette chaire, afin qu'ils
remplissent leur haute charge pour le salut de tous, afin que le
troupeau universel du Christ, écarté des nourritures empoisonnées de
l'erreur, soit nourri de la doctrine céleste, afin que, toute occasion
de schisme étant supprimée, l'Eglise soit conservée tout entière dans
l'unité, et qu'établie sur son fondement elle tienne ferme contre les
portes de l'enfer.
3072 Mais comme
en ce temps, qui exige au plus haut point l'efficacité salutaire de la
charge apostolique, il ne manque pas d'hommes qui en contestent
l'autorité, Nous jugeons absolument nécessaire d'affirmer
solennellement la prérogative que le Fils unique de Dieu a daigné
joindre à la fonction pastorale suprême.
3073C'est pourquoi, Nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès
l'origine de la foi chrétienne pour la gloire de Dieu notre Sauveur,
pour l'exaltation de la religion catholique et pour le salut des
peuples chrétiens, avec l'approbation du saint concile, nous enseignons
que c'est une dogme révélé par Dieu :
3074lorsque le pontife romain parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque,
remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens,
il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une
doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute
l'Eglise, il jouit, en vertu de l'assistance divine qui lui a été
promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le
divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Eglise lorsqu'elle
définit la doctrine sur la foi ou la morale ; par conséquent, ces
définitions du pontife romain sont irréformables par elles- mêmes et
non en vertu du consentement de l'Eglise.
3075 (Canon) Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu'il soit anathème.