COMMENTAIRE DE L’ÉPÎTRE AUX COLOSSIENS
PAR SAINT THOMAS D’AQUINhttp://docteurangelique.free.fr/index.html
Après avoir, plus haut, rappelé les bienfaits spéciaux et universels de la grâce, saint Paul rappelle ici quel est l’auteur de la grâce, à savoir le Christ.
Et d’abord dans une comparaison par rapport à Dieu ; ensuite, d’une manière générale, dans une comparaison par rapport à toute créature : Premier-né… ; troisièmement, d’une manière particulière, dans une comparaison avec l’Église : lui-même est la tête.
Premièrement donc, il faut remarquer que nous disons que Dieu est invisible parce qu’il dépasse la capacité de vision de toute intelligence créée, aucune intelligence créée ne pouvant, d’une connaissance naturelle, atteindre l’essence divine.
Dieu est grand au-dessus de toute notre science, dit Job (XXXVI. 26). Il habite une lumière inaccessible (I Timothée VI, 16). Si les bienheureux le voient, c’est par grâce et non par nature. Denys en donne cette explication :
Toute connaissance est bornée par ce qui existe, c’est-à-dire à quelque nature qui participe à l’être. Mais Dieu est l’être même; il n’y participe point. Aussi est il au-dessus de toute connaissance.
Or de ce Dieu invisible le Fils est l’image. Mais il faut examiner comment le Fils peut être appelé image, et pourquoi le Père est-il invisible. Trois conditions font une image :
- Citation :
- 1° qu’il y ait en elle une ressemblance;
2° qu’elle soit déduite ou exprimée de l’objet auquel elle ressemble;
3° enfin qu’elle s’achève en quelque chose qui tienne à l’espèce ou au signe de l’espèce reproduite.
Si, en effet, on a deux objets semblables, mais dont l’un ne vient pas de l’autre, nous disons qu’aucun des deux n’est l’image de l’autre : on ne dit pas, par exemple, qu’un oeuf est l’image d’un oeuf.
C’est l’imitation qui fait l’image. De même il n’y a pas image si la ressemblance existe mais n’est pas dans l’espèce ou dans le signe de l’espèce : ainsi la ressemblance dans les choses accidentelles de l’homme, le teint ou la quantité, ou autre chose du genre, ne peut produire l’image.
Mais si la ressemblance prend la figure de l’objet, alors il peut y avoir image, car la figure est le signe déterminatif de l’espèce. Le Fils est semblable au Père, et le Père semblable au Fils; mais le Fils reçoit cette ressemblance du Père, tandis que le Père ne la reçoit pas de son Fils.
Aussi nous nous exprimons correctement en disant que le Fils est l’image de son Père, mais non l’inverse parce que la ressemblance vient du Père et en dérive. De plus, cette ressemblance est dans l’espèce même : dans ce qui concerne Dieu, le Fils est représenté d’une certaine manière, mais imparfaite par la parole intérieure de l’âme; cette parole existe quand nous reproduisons, en acte, la forme de l’objet connu et l’exprimons par une parole extérieure; cette parole ainsi conçue est comme une ressemblance de l’objet que nous saisissons dans notre esprit.
Elle lui est semblable quant à l’espèce. Et c’est ainsi que le Verbe divin est appelé image de Dieu.