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 Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation

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MessageSujet: Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation   Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation EmptyLun 14 Mar - 12:47

Somme contre les Gentils, de l'Incarnation.

Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation Thomas2


53: OBJECTIONS CONTRE LES CONVENANCES DE L'INCARNATION

La foi en l'Incarnation est taxée de folie par les infidèles; selon le mot de l'Apôtre aux Corinthiens: Il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication. Ce qu'il est fou de prêcher, ce n'est pas seulement ce qui est impossible, c'est aussi ce qui est messéant.

Dans leur acharnement à combattre l'Incarnation, les infidèles s'efforcent de montrer que ce qu'enseigne la foi catholique est non seulement impossible, mais encore inconvenant et contraire à la bonté de Dieu.

1. Il convient en effet à la bonté de Dieu que toute chose tienne son rang. Or l'ordre des choses veut que Dieu soit exalté par dessus tout, que l'homme par contre se tienne au rang des créatures les plus basses. Il ne sied donc pas à la majesté de Dieu de s'unir à la nature de l'homme.

2. A supposer qu'il soit convenable pour Dieu de se faire homme, il faudrait qu'il en résultât quelque chose d'utile. Or quelque utilité qu'on mette en avant, Dieu, dans sa toute-puissance, pouvait la produire par sa seule volonté. Comme tout doit se faire aux moindres frais, il n'y avait aucune nécessité, aucune utilité, à ce que Dieu s'unit la nature humaine.

3. Dieu est la cause universelle de tout: son objectif principal est l'utilité de l'univers tout entier. Or l'assomption de la nature humaine n'est utile qu'à l'homme. Si donc Dieu devait assumer une nature étrangère, il ne convenait pas qu'il assumât seulement la nature humaine.

4. L'union entre deux êtres est d'autant plus convenable que l'un ressemble davantage à l'autre. Beaucoup plus que la nature humaine, la nature angélique est semblable à Dieu, et proche de lui. Il ne convenait donc pas que Dieu assumât la nature humaine, en laissant de côté la nature angélique.

5. Ce qui importe avant tout chez l'homme, c'est l'intelligence de la vérité. Or il semble que l'homme connaît là un obstacle, si l'on suppose que Dieu a assumé la nature humaine. C'est lui fournir en effet une occasion d'erreur, et l'amener à donner son accord à ceux qui ont affirmé que Dieu n'était pas élevé au-dessus des corps. Il ne convenait donc pas que Dieu, pour l'utilité de la nature humaine, assumât cette nature.

6. L'expérience montre comment bien des erreurs sont nées à propos de l'Incarnation de Dieu. Le salut du genre humain n'exigeait donc pas, semble-t-il, que Dieu s'incarnât.

7. Entre toutes les oeuvres de Dieu, la plus grande, semble-t-il, c'est qu'il ait lui-même assumé un corps. Mais de l'oeuvre la plus grande on doit attendre la plus grande utilité. Si donc l'incarnation de Dieu a pour fin le salut des hommes, il semble convenable que Dieu ait sauvé le genre humain tout entier, le salut de tous les hommes paraissant à peine justifier, en utilité, une oeuvre de si grande importance.

8. Si Dieu a assumé la nature humaine en vue du salut des hommes, il aurait été convenable que des signes suffisants manifestent sa divinité aux hommes. Or ce n'a pas été le cas, semble-t-il. D'autres hommes, avec le seul secours de la puissance divine, et sans que Dieu se soit uni à leur nature, ont accompli des miracles semblables à ceux du Christ, voire même plus grands. L'incarnation de Dieu n'a donc pas pourvu suffisamment au salut des hommes.

9. Si l'incarnation de Dieu s'est avérée nécessaire au salut des hommes, étant donné qu'il existe des hommes depuis le commencement du monde, il semble que Dieu aurait dû assumer la nature humaine dès le commencement du monde, et non pour ainsi dire à la fin des temps. Aurait-il oublié le salut de tous les hommes qui ont vécu auparavant?

10. La même raison aurait exigé qu'il demeurât jusqu'à la fin du monde parmi les hommes, pour les enseigner et les diriger par sa présence.

11. Il est de la plus haute utilité pour les hommes que l'espérance de la béatitude à venir ait en eux un fondement. Quelle espérance ne serait pas née d'un Dieu incarné, si ce Dieu avait assumé une chair immortelle, impassible et glorieuse, et qu'il l'eût manifestée à tous les hommes! Il ne semble donc pas convenable qu'il ait assumé une chair mortelle et fragile.

12. Pour montrer que tout ce qui existe dans le monde vient de Dieu, il aurait été convenable que Dieu incarné usât abondamment des choses de ce monde, en vivant dans les richesses et dans les plus grands honneurs. C'est le contraire qui nous est raconté de lui, et comment il mena une vie de pauvreté et d'abaissement, comment il subit une mort infamante. Ce que la foi nous enseigne du Dieu incarné paraît donc inconvenant.

13. En subissant les humiliations, le Christ a dissimulé au plus haut point sa divinité, alors que les hommes avaient le plus grand besoin d'en connaître, s'il était Dieu incarné. Ce que la foi enseigne ne semble donc pas s'accorder avec le salut des hommes.

14. Dire que le Fils de Dieu a subi la mort par obéissance à son Père, ne paraît pas raisonnable. Obéir, c'est se conformer à la volonté de celui qui commande. Or la volonté de Dieu le Père ne peut aller contre la raison, si donc Dieu fait homme n'a pu subir convenablement la mort, - la mort n'est-elle pas contraire à la divinité, qui est la vie? -, on ne saurait donner comme raison valable de cette mort l'obéissance au Père.

15. Dieu ne veut pas la mort des hommes, même des pécheurs; bien plutôt veut-il qu'ils vivent, selon la parole rapportée par Ézéchiel: Je ne veux pas la mort du pécheur, mais bien qu'il se convertisse et qu'il vive. A plus forte raison, Dieu le Père ne pouvait-il vouloir que l'homme le plus parfait qui puisse être soit soumis à la mort.

16. Il paraît sacrilège et cruel qu'un innocent soit conduit sur ordre, à la mort, surtout quand c'est à la place d'impies, bien dignes, eux, de mourir. Or le Christ-Jésus, homme, était innocent. Il aurait donc été sacrilège qu'il subisse la mort sur l'ordre de Dieu le Père.

17. On dira peut-être qu'il y avait là une preuve nécessaire d'humilité, comme l'Apôtre semble l'affirmer dans l'Epître aux Éphésiens: Le Christ s'est humilié, en se faisant obéissant jusqu'à la mort. Mais cette raison ne saurait valoir. Celui-là seul en effet peut faire preuve d'humilité qui a un supérieur envers qui se soumettre, ce qu'on ne peut dire de Dieu. Le Verbe de Dieu n'a donc pu, décemment, s'humilier jusqu'à la mort.

18. Des paroles divines, auxquelles la foi doit adhérer de toute manière, des exemples humains pouvaient suffire à inculquer aux hommes l'humilité. Il ne semble donc pas nécessaire que le Verbe de Dieu ait eu à s'incarner, ou à subir la mort, pour donner un exemple d'humilité.

19. Mais on rappellera peut-être que la mort du Christ et les avanies qu'il eut à subir, étaient nécessaires pour nous purifier de nos péchés; l'Apôtre ne dit-il pas en effet qu'il a été livré pour nos péchés et encore qu'il est mort pour enlever les péchés de la multitude? Cette raison, non plus, ne saurait convenir. D'abord, c'est la seule grâce de Dieu qui purifie les hommes de leur péché.

20. Et puis, si quelque satisfaction était exigée, il serait convenable que ce soit les pécheurs qui s'en acquittassent; selon le juste jugement de Dieu, chacun doit porter son propre fardeau.

21. D'ailleurs, s'il était convenable que plus grand que l'homme satisfît pour l'homme, il aurait suffi qu'un ange, après avoir pris chair, ait acquitté cette satisfaction, puisque l'ange est plus grand que l'homme.

22. Le péché n'expie pas le péché; il l'aggrave au contraire. Si donc le Christ a dû mourir pour satisfaire, il fallait que cette mort n'occasionnât de péché pour qui que ce soit; il fallait donc que le Christ mourût de mort naturelle, et non pas de mort violente.

23. S'il fallait que le Christ mourût pour expier les péchés des hommes, c'est de multiples fois qu'il aurait dû subir la mort, puisque les hommes multiplient les péchés.

24. On dira peut-être que la naissance et la mort du Christ étaient nécessitées par le péché originel qui, après le péché du premier homme, avait souillé le genre humain tout entier. Cela même paraît impossible. Si le reste des hommes n'arrive pas à satisfaire pour le péché originel, la mort même du Christ ne semble pas pouvoir satisfaire pour les péchés du genre humain: c'est en effet dans sa nature humaine, non dans sa nature divine, que le Christ a subi la mort.

25. Si la satisfaction du Christ pour le péché du genre humain s'est avérée suffisante, il paraît injuste que les hommes aient encore à souffrir des peines dont l'Écriture fait mention comme des conséquences du péché.

26. Si cette satisfaction avait suffi, il n'y aurait plus à chercher encore de remèdes pour être absous de ses péchés. Or ceux qui ont souci de leur salut sont toujours en quête de tels remèdes. Il semble donc que le Christ n'ait pas détruit suffisamment les péchés des hommes. Tels sont les arguments, auxquels on pourrait en ajouter de semblables, qui tendent à montrer que l'enseignement de la foi catholique au sujet de l'Incarnation ne s'accorde ni avec la majesté de Dieu ni avec sa sagesse.

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MessageSujet: Re: Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation   Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation EmptyLun 14 Mar - 13:08

54: IL ÉTAIT CONVENABLE QUE DIEU S'INCARNAT

Qui contemple avec attention et piété le Mystère de l'Incarnation y voit un tel abîme de sagesse que la connaissance de l'homme en est débordée; l'Apôtre l'affirme: La folie de Dieu est plus sage que les hommes. Voilà pourquoi au contemplateur pieux les raisons de ce mystère apparaîtront sans cesse de plus en plus admirables.

Tout d'abord, l'incarnation de Dieu a apporté à l'homme qui s'efforce vers la béatitude un secours extrêmement efficace. La béatitude parfaite de l'homme, nous l'avons dit, consiste dans la vision immédiate de Dieu. Il pourrait sembler impossible, devant l'infinie distance des natures, que l'homme atteigne à cet état où l'intelligence humaine doit être unie à l'essence divine elle-même de façon immédiate, comme l'intellect est uni à l'intelligible; pris par le désespoir, l'homme alors se relâcherait dans sa recherche de la béatitude. Mais que Dieu ait voulu s'unir, d'une union personnelle, la nature humaine, prouve à l'évidence aux hommes la possibilité d'être unis à Dieu, par leur intelligence, en le voyant sans intermédiaire. Il convenait donc, au plus haut degré, que Dieu assumât la nature humaine, pour relever l'espérance de l'homme en la béatitude. Aussi, après l'Incarnation du Christ, les hommes se sont-ils mis à aspirer plus ardemment vers la béatitude du ciel, selon la parole même du Christ: Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance. Par là même, l'homme voit disparaître les obstacles qui l'empêchent d'atteindre à la béatitude. Étant donné que la béatitude parfaite consiste pour l'homme dans l'unique jouissance de Dieu, il est inévitable que quiconque adhère, comme à sa fin, à ce qui est inférieur à Dieu, ne puisse avoir part à l'authentique béatitude. L'ignorance de la dignité de leur propre nature pouvait amener les hommes à adhérer comme à leur fin aux réalités inférieures à Dieu. Voilà pourquoi certains, ne voyant en eux que cette nature corporelle et sensitive qu'ils partagent avec le reste des animaux, recherchent une sorte de béatitude bestiale dans le monde des corps et dans les plaisirs de la chair.

D'autres, devant l'excellence, d'ailleurs relative, de certaines créatures par rapport aux hommes, se consacrèrent à leur culte, adorant le monde et ses éléments, éblouis qu'ils étaient par l'étendue de sa grandeur et par la durée du temps; ou se faisant les adorateurs de substances spirituelles, anges ou démons, parce que, les voyant tellement dépasser l'homme par leur immortalité et par l'acuité de leur intelligence, ils pensaient trouver en ces êtres supérieurs la béatitude de l'homme. Sans doute, sous quelques aspects, l'homme est inférieur à certaines créatures; sous quelques-uns même il ressemble aux créatures les plus basses. Pourtant, dans l'ordre de la fin, il n'y a rien au-dessus de l'homme que Dieu seul, en qui seul l'homme peut connaître la parfaite béatitude. Cette dignité de l'homme appelé à connaître la béatitude dans la vision immédiate de Dieu, Dieu l'a manifestée de la manière la mieux adaptée, en assumant lui-même, sans intermédiaire, la nature humaine.

Aussi voyons-nous quelles conséquences a entraînées l'incarnation de Dieu, et comment une grande partie de l'humanité, abandonnant le culte des anges, des démons, ou de toute autre créature, méprisant les plaisirs de la chair et toutes les réalités corporelles, s'est vouée au culte de Dieu seul, en qui seul elle attend l'épanouissement de la béatitude, obéissant en cela à l'exhortation de l'Apôtre: Recherchez les choses d'en haut où le Christ siège à la droite de Dieu; attachez-vous aux choses d'en haut, non à celles de la terre. Puisque la parfaite béatitude de l'homme consiste en une connaissance telle qu'elle dépasse les capacités de tout intellect créé, il était nécessaire que l'homme en eût un avant-goût, grâce auquel il pût se diriger vers la plénitude de cette bienheureuse connaissance. C'est le rôle de la foi. Or la connaissance qui permet à l'homme de se diriger vers sa fin dernière, doit être une connaissance absolument certaine, étant donné qu'elle est le principe de tous les actes ordonnés à cette fin, de même que sont absolument certains les principes qui nous sont naturellement connus. Or il ne peut y avoir de connaissance absolument certaine d'une chose que si cette chose est connue par soi, ou que cette chose puisse être réduite à d'autres connues par soi, comme c'est le cas pour nous de la conclusion absolument certaine d'une démonstration. Or ce que la foi nous propose à croire de Dieu ne peut être pour l'homme connu par soi; cela dépasse en effet les capacités de son intellect.

Il fallait donc que celui à qui tout cela est connu par soi le manifestât à l'homme. Et bien que ce que nous tenons par la foi soit d'une certaine manière connu par soi de ceux qui voient l'essence divine, il est cependant nécessaire, pour qu'il y ait connaissance absolument certaine, que réduction soit faite au premier principe de cette connaissance, c'est-à-dire à Dieu, de qui tout cela est connu par soi, naturellement, et qui le révèle à tous, de même qu'une science ne devient certaine que moyennant réduction aux premiers principes indémontrables.

Il fallait donc, pour que l'homme puisse acquérir une parfaite certitude au sujet de la vérité de la foi, que Dieu lui-même, fait homme, l'instruisît, et que cet enseignement fût reçu de l'homme sous un mode humain. Tel est bien le sens du témoignage de saint Jean: Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est au sein du Père, lui-même nous l'a fait connaître.Et le Seigneur d'affirmer: Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Aussi pouvons-nous constater qu'après l'incarnation du Christ, les hommes ont été instruits dans la connaissance de Dieu d'une manière plus évidente et plus certaine, ainsi que l'avait annoncé Isaïe: La terre a été remplie de la science du Seigneur. L'homme trouve sa béatitude parfaite dans la jouissance de Dieu. Encore fallait-il que sa volonté s'ouvrît au désir de cette jouissance de Dieu, désir analogue au désir naturel du bonheur, dont nous constatons l'existence en l'homme.

Or c'est l'amour pour une chose qui éveille le désir d'en jouir. Il fallait donc que l'homme, en marche vers la béatitude parfaite, fût amené à aimer Dieu. Mais rien ne nous provoque à aimer quelqu'un comme d'éprouver l'amour qu'il nous porte. Les hommes ne pouvaient donc attendre de preuve plus efficace de l'amour de Dieu pour eux que de voir Dieu s'unir à l'homme, personnellement, puisque le propre de l'amour est d'unir, autant qu'il est possible, l'amant à l'aimé. C'était donc une exigence, pour l'homme en marche vers la béatitude, que Dieu s'incarnât. L'amitié consiste dans une certaine identité: plus des êtres diffèrent, moins il semble qu'ils puissent s'unir d'amitié. Pour favoriser une amitié plus intime entre l'homme et Dieu, il était donc à propos que Dieu se fît homme, puisque l'homme est pour l'homme un ami naturel. Ainsi, en connaissant Dieu sous une forme visible, nous serions entraînés à l'amour des réalités invisibles.

La béatitude, c'est également évident, est la récompense de la vertu. Il est donc nécessaire que ceux qui tendent à la béatitude se forment à la vertu, à laquelle nous excitent paroles et exemples. Or les exemples et les paroles d'une personne nous entraînent d'autant plus efficacement que l'on a de sa propre vertu une opinion solidement fondée. Mais de la vertu d'aucun homme, qui soit simplement homme, il n'est possible de se faire une opinion infaillible; on voit bien que les hommes les plus saints ont eux-mêmes des défaillances. Pour que l'homme soit affermi dans la vertu, il lui était donc nécessaire de recevoir d'un Dieu fait homme l'enseignement et les exemples de la vertu. Voilà pourquoi le Seigneur lui-même affirme en saint Jean: Je vous ai donné l'exemple, afin que, comme j'ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes. De même que les vertus préparent l'homme à la béatitude, de même les péchés l'en écartent.

Or le péché, opposé à la vertu, fait obstacle à la béatitude, non seulement en provoquant un certain désordre de l'âme qui détourne celle-ci de l'ordre de la fin à laquelle elle est destinée, mais aussi en offensant Dieu dont on attend la récompense de la béatitude, car Dieu veille aux actes des hommes, et le péché est en opposition avec sa charité. De plus, prenant conscience de cette offense, l'homme, par son péché, perd la confiance, requise pour obtenir la béatitude, d'accéder à Dieu. Il était donc nécessaire au genre humain, qui déborde de péchés, qu'un remède lui soit appliqué contre ses péchés.

Or, ce remède, Dieu seul pouvait le donner, puisqu'il est seul à pouvoir à la fois pousser au bien la volonté de l'homme, de manière à la ramener à l'ordre du devoir, et à remettre l'offense commise à son égard, une offense en effet ne pouvant être remise que par celui qui en a été l'objet. Or pour que l'homme soit délivré de la conscience de la faute passée, il faut qu'il ait la preuve que Dieu lui a remis cette faute. Mais il ne peut en avoir la preuve certaine que si Dieu l'en assure. Il était donc convenable et avantageux au peuple humain, dans sa poursuite de la béatitude, que Dieu se fît homme afin d'obtenir ainsi de Dieu la rémission des péchés, et de l'homme-Dieu la certitude de cette rémission. C'est ce que dit le Seigneur lui-même, en saint Matthieu: Afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés...; et l'Apôtre d'affirmer dans l'Épître aux Hébreux que le sang du Christ purifiera nos consciences des oeuvres de mort, pour nous permettre de servir le Dieu vivant.

La tradition de l'Église nous enseigne enfin que le genre humain tout entier est souillé par le péché. Comme on l'a vu plus haut, l'ordre de la justice divine implique qu'il n'y ait pas de la part de Dieu rémission des péchés, sans qu'il y ait satisfaction. Mais aucun homme, simplement homme, ne pouvait satisfaire pour le péché du genre humain tout entier: n'importe quel homme, simplement homme, est quelque chose de moins que l'universalité du genre humain. Pour délivrer le genre humain du péché que tous partagent, il fallait que quelqu'un pût satisfaire, qui fût à la fois un homme, en état de satisfaire, et plus qu'un homme, pour que son mérite arrive à satisfaire pour le péché du genre humain tout entier. Or, plus grand que l'homme, dans l'ordre de la béatitude, il n'y a que Dieu seul: bien que supérieurs par la condition de leur nature, les anges ne le sont pas dans l'ordre de la fin, béatifiés qu'ils sont par le même Dieu. Pour que l'homme pût obtenir la béatitude, il fallait donc que Dieu se fît homme et enlevât le péché du genre humain. C'est ce que Jean-Baptiste proclame du Christ: Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péché du monde. Et l'Apôtre écrit aux Romains: Comme le péché, à partir d'un seul, passe en tous pour la condamnation, ainsi la grâce, à partir d'un seul, passe en tous pour la justification. Telles sont les raisons, entre autres, qui nous permettent de comprendre qu'il n'était pas messéant pour la bonté divine, et qu'il était au contraire très avantageux pour le salut de l'homme, que Dieu se fît homme.

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MessageSujet: Re: Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation   Saint Thomas d'Aquin + Les convenances de l'Incarnation EmptyLun 14 Mar - 13:59

55: RÉPONSE AUX OBJECTIONS SOULEVÉES PLUS HAUT CONTRE LES CONVENANCES DE L'INCARNATION

Quant aux objections soulevées plus haut, il n'est pas difficile de les réfuter.

1. Il n'est pas contraire, en effet, à l'ordre des choses, comme le prétendait la première objection, que Dieu se fasse homme. Sans doute, la nature divine dépasse-t-elle à l'infini la nature humaine; l'homme, cependant, a Dieu lui-même pour fin, apte qu'il est à lui être uni par l'intelligence. De cette union, l'union personnelle de Dieu avec l'homme fut un exemple et un modèle, sous la réserve cependant que les propriétés de l'une et de l'autre nature fussent sauvegardées, en sorte que la nature divine ne perdît rien de son excellence, et que la nature humaine ne fût pas entraînée par quelque élévation hors des limites de son espèce. Il faut remarquer d'ailleurs qu'en raison de la perfection et de l'immutabilité de la bonté divine, Dieu ne perd rien de sa dignité à ce qu'une créature l'approche, si haut que ce soit, quand bien même la créature en est grandie.

2. Bien que la volonté de Dieu suffise à tout faire, la sagesse divine exige que Dieu pourvoie à chaque chose selon sa convenance; il convient que Dieu donne à chaque chose sa propre cause. Ainsi, Dieu aurait pu, par sa seule volonté, comme le voulait la deuxième objection, réaliser dans le genre humain tous les avantages que nous affirmons découler de l'incarnation de Dieu; mais il convenait à la nature humaine que ces avantages lui fussent communiqués par un Dieu fait homme, ainsi que les arguments apportés plus haut peuvent jusqu'à un certain point le manifester.

3. La réponse à la troisième objection est évidente. L'homme étant constitué par une nature spirituelle et corporelle, occupant pour ainsi dire les confins de l'une et de l'autre nature, il semble que ce qui est accompli pour le salut de l'homme intéresse la création tout entière. On voit en effet les créatures corporelles inférieures servir à l'usage de l'homme, et lui être d'une certaine manière soumises. Quant à la créature spirituelle supérieure, - il s'agit de la créature angélique -, elle a en commun avec l'homme l'obtention de la fin dernière, comme on l'a vu plus haut. Il paraît donc convenable que la cause universelle de tout assumât dans l'unité de la personne cette créature en qui elle est en communion plus étroite avec toutes les créatures. Il faut remarquer de plus que seule la créature raisonnable est capable d'agir par elle-même; les créatures sans raison agissent moins par elles-mêmes que poussées par un instinct de nature. Ces créatures entrent dans l'ordre des causes instrumentales, bien plus qu'elles ne se comportent à la manière de l'agent principal. Or il fallait que Dieu assumât une nature telle qu'elle puisse agir par elle-même, comme agent principal. Ce qui agit en effet comme instrument, agit en tant que mû à l'action; l'agent principal, lui, agit par lui-même. Si quelque créature sans raison avait dû servir à l'accomplissement d'une oeuvre divine, il aurait suffi, selon la condition de cette créature, qu'elle fût mue par Dieu; il était inutile qu'elle fût assumée dans la personne, pour agir elle-même, puisque sa condition naturelle ne le permet pas, mais que seule le permet la condition de la nature raisonnable. Il n'aurait donc pas été convenable que Dieu assumât une nature sans raison; il l'était par contre qu'il assumât une nature raisonnable, que ce soit la nature angélique ou que ce soit la nature humaine.

4. Bien que la nature angélique se trouve être, par ses propriétés naturelles, beaucoup plus élevée que la nature humaine, - c'était le sens de la quatrième objection -, il était cependant plus à propos que ce soit la nature humaine qui fût assumée. Chez l'homme, en effet, le péché peut être expié, car le choix de l'homme ne se fixe pas d'une manière immuable sur ce qui en est l'objet; il peut être détourné du bien vers le mal, comme ramené du mal vers le bien. La même chose d'ailleurs se produit pour la raison de l'homme, qui, recueillant la vérité dans les réalités sensibles et par l'intermédiaire de certains signes, peut aller dans deux directions opposées. L'ange, par contre, qui possède une appréhension immuable, puisqu'il connaît de manière immuable par simple intellection, possède de même une élection immuable; ce qui fait qu'il ne se porte absolument pas vers le mal, ou que, s'il s'y porte, c'est d'une manière immuable, telle que son péché ne peut être expié. Comme il semble bien, d'après l'enseignement des saintes Écritures, que l'expiation des péchés soit la cause principale de l'incarnation, il était plus à propos pour Dieu d'assumer la nature humaine, que d'assumer la nature angélique. Deuxièmement, l'assomption de la créature par Dieu s'accomplit dans la personne, non dans la nature, on l'a vu plus haut. Il convenait donc que Dieu assumât la nature de l'homme, de préférence à celle de l'ange, puisque dans l'homme, composé d'une matière et d'une forme, la personne est distincte de la nature, ce qui n'est pas le cas pour l'ange, immatériel. Troisièmement, l'ange, par propriété de nature, est plus proche de Dieu, pour en connaître, que l'homme dont la connaissance part des sens. Il suffisait donc que l'ange fût instruit par Dieu de la vérité divine de manière purement intellectuelle, alors que la condition de l'homme demandait que Dieu enseignât à l'homme, d'une manière sensible, Dieu lui-même fait homme. C'est ce qu'a réalisé l'incarnation. Il semblait aussi que la distance qu'il y a de l'homme à Dieu fût un obstacle plus grand à la jouissance de Dieu. Aussi, pour intensifier son espérance de la béatitude, l'homme avait-il plus besoin que l'ange d'être assumé par Dieu. Terme enfin de la création, supposant pour ainsi dire avant lui, dans l'ordre naturel de la génération, toutes les créatures, il est convenable que l'homme soit uni au premier principe des choses, de telle manière qu'un certain cycle enfermât la perfection des choses.

5. L'assomption par Dieu d'une nature humaine n'est pas une occasion d'erreur, comme le voulait la cinquième objection. L'assomption de la nature humaine, on l'a établi plus haut, s'est faite dans l'unité de la personne, non point dans cette unité de nature qui nous obligerait à être d'accord avec ceux qui ont affirmé que Dieu n'est pas au-dessus de tout, mais qu'il est l'âme du monde, ou quelque chose de ce genre.

6. Des erreurs ont pu naître à propos de l'incarnation de Dieu, ce que soulignait la sixième objection. Il est évident cependant qu'à la suite de l'incarnation un bien plus grand nombre d'erreurs ont disparu. La création des choses aussi, émanée de la bonté de Dieu, a entraîné un certain nombre de maux; tel le voulait la condition de créatures qui peuvent faillir. De même n'est-il pas étonnant que devant cette manifestation de la vérité divine, quelques erreurs soient nées de la défaillance des intelligences humaines. Mais ces erreurs ont excité l'esprit des fidèles à une recherche plus ardente et à une intelligence plus exacte des vérités divines, de même que Dieu ordonne à quelque bien les maux qui peuvent atteindre les créatures.

7. Certes, comparée à la bonté de Dieu, tout bien créé paraît infime; cependant, comme il ne peut rien y avoir de plus grand dans le monde créé que le salut de la créature raisonnable, salut qui consiste dans la jouissance de la bonté divine elle-même, et que ce salut de l'homme a été acquis par l'incarnation de Dieu, cette incarnation n'a pas été d'une mince utilité pour le monde, ainsi que le voulait la septième objection. Il n'était pas nécessaire pour autant qu'en suite de l'incarnation de Dieu tous les hommes fussent sauvés: seuls le seraient ceux qui adhèrent à cette incarnation par la foi et par les sacrements de la foi. Bien sûr, l'incarnation a une puissance suffisante pour sauver tous les hommes; mais que tous ne soient pas sauvés pour autant, cela vient de leurs mauvaises dispositions: ils refusent de recevoir en eux le fruit de l'incarnation, en refusant d'adhérer au Dieu incarné par la foi et par la charité. On ne pouvait en effet priver les hommes du libre-arbitre qui leur permet d'adhérer ou de ne pas adhérer au Dieu incarné; le bien de l'homme, autrement, aurait été un bien forcé, devenu par là même sans mérite et sans honneur.

8. Des signes suffisants ont par ailleurs manifesté aux hommes cette incarnation de Dieu. Rien ne peut manifester avec plus de convenance la divinité que ce qui appartient en propre à Dieu. Or il appartient en propre à Dieu de pouvoir modifier les lois de la nature et d'accomplir des oeuvres au-dessus de la nature, dont lui-même est l'auteur. Les oeuvres accomplies au-dessus des lois de la nature, comme de rendre la vue aux aveugles, de guérir les lépreux, de ressusciter les morts, prouvent avec une souveraine convenance qu'une chose est divine. Or ce sont ces oeuvres mêmes que le Christ a accomplies. A ceux qui interrogent: Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? lui-même atteste sa divinité en alléguant ses oeuvres: Les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, etc. Il n'était pas nécessaire de créer un autre monde: ni la sagesse divine, ni la nature des choses ne le comportaient. Si l'on avance, avec la huitième objection, que d'autres ont fait de tels miracles, il est nécessaire de remarquer que le Christ les a accomplis d'une manière différente, et plus divine. Les autres les ont accomplis en priant, le Christ, lui, en commandant, comme de sa propre autorité. Et non seulement il les a lui-même accomplis, mais il a donné le pouvoir d'en faire autant, et de plus grands, à d'autres qui accomplissaient ces miracles à la seule invocation du nom du Christ. Et ce n'est pas simplement des miracles d'ordre corporel que le Christ a faits; il a fait aussi des miracles d'ordre spirituel, qui sont beaucoup plus importants: ainsi c'est par le Christ et à l'invocation de son nom que devait être donné l'Esprit-Saint qui enflammerait les coeurs du feu de la divine charité, qui enseignerait d'un coup aux intelligences la science des divins mystères, qui rendrait la langue des simples habile à proposer aux hommes la vérité divine. De telles oeuvres, irréalisables pour tout homme, sont les signes frappants de la divinité du Christ. Aussi bien l'Apôtre écrit-il, dans l'Épître aux Hébreux, que le salut des hommes, annoncé d'abord par le Seigneur, nous a été fermement attesté par ceux qui l'ont entendu, Dieu confirmant leur témoignage par des signes, des miracles et toutes sortes de dons de l'Esprit-Saint.

9. Bien que l'incarnation de Dieu fût nécessaire au salut du genre humain tout entier, il n'était pas requis, comme le voulait la neuvième objection, que Dieu s'incarnât dès le commencement du monde. La première raison en est que Dieu incarné devait apporter aux hommes, comme on l'a établi plus haut, un remède contre le péché. Mais on ne peut décemment donner à un homme de remède contre le péché que si cet homme, d'abord, reconnaît sa déficience, et qu'ainsi, ne présumant plus de lui-même, il jette par humilité son espérance en Dieu qui seul peut guérir le péché. Or l'homme pouvait présumer de lui-même aussi bien au plan de la connaissance qu'au plan de la vertu. Il fallait donc qu'il fût laissé un certain temps à lui-même pour faire l'expérience qu'il ne pouvait s'assurer à lui-même le salut, ni par la connaissance naturelle, puisque, avant la loi écrite, l'homme avait transgressé la loi de nature, ni par sa propre vertu, puisque la loi lui ayant donné la connaissance du péché, il continuait de pécher, par faiblesse. Ainsi fallait-il qu'enfin, l'homme ne présumant plus ni de sa science ni de sa vertu, l'incarnation du Christ lui donnât contre le péché un secours efficace: la grâce du Christ qui l'enseignerait dans ses doutes, de peur qu'il ne défaille en sa connaissance, et qui le fortifierait contre les assauts des tentations, de peur qu'il ne tombe par faiblesse. C'est ainsi que le genre humain a connu trois états; le premier avant la loi, le deuxième sous le règne de la loi, le troisième sous le règne de la grâce. Une autre raison, c'est que Dieu incarné devait donner aux hommes des commandements et des enseignements parfaits. Or la condition de la nature humaine demande qu'on ne soit pas conduit à la perfection du premier coup, mais qu'on y parvienne, en y étant guidé par le chemin de réalités imparfaites. C'est ce que nous constatons dans l'éducation des enfants, instruits d'abord des vérités de moindre importance, incapables qu'ils sont, au commencement, de saisir des vérités parfaites. De même encore, une foule à qui l'on proposerait des choses jamais entendues et difficiles, ne les pourrait aussitôt saisir, à moins d'avoir été préparée par des choses de moindre qualité. Ainsi convenait-il que, dès le commencement, le genre humain ait été instruit de ce qui touche à son salut par des enseignements faciles et de moindre qualité, donnés par les patriarches, la loi et les prophètes; pour finir, à la plénitude des temps, la doctrine parfaite du Christ devait être proposée sur terre, comme le dit l'Apôtre, dans l'Épître aux Galates: Lorsque fut venue la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils sur terre, et encore: La loi a été notre pédagogue dans le Christ, mais désormais nous ne sommes plus sous la garde d'un pédagogue. Il faut réfléchir en même temps à ceci: de même que l'arrivée d'un roi puissant exige que des ambassadeurs aillent devant préparer les sujets à recevoir le roi avec grande révérence, de même fallait-il que bien des choses précédassent l'arrivée de Dieu sur terre, pour préparer les hommes à recevoir le Dieu incarné. C'est bien ce qui s'est passé: les promesses et les enseignements qui précédèrent, préparèrent les esprits des hommes à croire plus facilement en celui qui avait été annoncé, et, en raison des promesses déjà faites, à le recevoir avec plus d'ardeur.

10. Bien que la venue du Dieu incarné dans le monde fût souverainement nécessaire au salut de l'homme, il n'était pas nécessaire cependant que Dieu demeurât avec les hommes jusqu'à la fin du monde, comme le voulait la dixième objection. Ç'aurait été porter atteinte, en effet, au respect que les hommes devaient témoigner au Dieu incarné: le voyant revêtu de chair, semblable aux autres hommes, ils ne l'auraient en rien estimé plus que les autres hommes. Au contraire, une fois qu'il leur eut retiré sa présence, après les choses merveilleuses qu'il avait accomplies sur terre, les hommes se mirent à le révérer davantage. Aussi bien, tant qu'il vécut avec ses disciples, ne leur donna-t-il pas la plénitude du Saint-Esprit, leur âme étant pour ainsi dire mieux préparée par son absence à recevoir les dons spirituels. Voilà pourquoi il leur disait lui-même: Si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas en vous; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai.

11. Il n'était pas davantage nécessaire que Dieu revêtît une chair impassible et immortelle, comme le voulait la onzième objection. Bien plutôt fallait-il qu'il revêtit une chair passible et mortelle. Premièrement il était nécessaire que les hommes connussent les bienfaits de l'Incarnation, pour être par là excités à aimer Dieu. Or il fallait, pour manifester l'authenticité de l'incarnation, que Dieu prît une chair semblable à celle des autres hommes, passible et mortelle. S'il avait pris une chair impassible et immortelle,
les hommes, ignorants d'une telle chair, auraient cru que c'était un
fantôme, et non un corps authentique.
Deuxièmement, il était nécessaire que Dieu prît chair, afin de satisfaire pour le péché du genre humain. Or, nous l'avons montré au Livre troisième, un homme ne peut satisfaire pour un autre qu'à la condition d'assumer volontairement la peine qui oblige l'autre pour son péché, et qui ne l'oblige pas lui-même. Or la peine qu'entraîne le péché du genre humain, c'est la mort et toutes les souffrances de la vie présente, d'où l'affirmation de l'Apôtre, dans l'Epître aux Romains: Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort. Il fallait donc que Dieu assumât, hormis le péché, une chair capable de souffrir et de mourir, de manière à pouvoir, par ses souffrances et par sa mort, satisfaire pour nous et détruire le péché. C'est ce que dit encore l'Apôtre: Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à celle du péché, une chair semblable à celle des pécheurs, passible et mortelle; et l'Apôtre ajoute: afin qu'à partir du péché, il condamnât le péché dans la chair, c'est-à-dire, afin que par la peine qu'il souffrirait dans sa chair, il nous délivrât du péché. Troisièmement, pour avoir eu une chair passible et mortelle, le Christ nous a donné des exemples de vertu plus convaincants, en surmontant avec force les souffrances de la chair, et en les utilisant vertueusement. Quatrièmement, notre espérance de l'immortalité est d'autant plus stimulée que lui-même est passé d'un état où sa chair était passible et mortelle à un état où sa chair est impassible et immortelle, ce que nous pouvons espérer pour nous-mêmes qui portons une chair passible et mortelle. Si le Christ, au contraire, avait assumé dès le début une chair immortelle et impassible, ceux qui font en eux-mêmes l'expérience de la mortalité et de la corruptibilité, n'auraient jamais eu l'occasion d'espérer l'immortalité. D'ailleurs l'office de médiateur exigeait que le Christ eût de commun avec nous une chair capable de souffrir et de mourir, de commun avec Dieu la puissance et la gloire, afin que, nous délivrant de ce qu'il avait de commun avec nous, la souffrance et la mort, il nous conduisît à ce qu'il avait de commun avec Dieu. Il était en effet médiateur pour nous unir à Dieu.

12. Il ne convenait pas davantage que Dieu incarné menât en ce monde une vie somptueuse, pleine d'honneurs et de dignités, comme le voulait la douzième objection. Tout d'abord, en effet, il était venu pour détacher de la terre l'esprit des hommes, tout entier voué aux choses de la terre, et pour les élever vers les réalités divines. Il fallait donc, pour que son exemple entraînât les hommes au mépris des richesses et de tout ce qui éveille le désir des mondains, qu'il menât en ce monde une vie de pauvreté et de privations. Deuxièmement, si Dieu incarné avait été riche en abondance, s'il avait été constitué dans une très haute dignité, ce qu'il a accompli de manière divine aurait été attribué au pouvoir séculier plutôt qu'à la puissance de la divinité. La preuve la plus évidente de sa divinité a donc été que sans aucun appui d'un pouvoir séculier, il a changé en mieux le monde tout entier.

13.-14. Dès lors, la solution de la treizième objection est claire. Il n'est pas contraire à la vérité que le Fils de Dieu, incarné, ait subi la mort en obéissant au commandement de son Père, comme l'enseigne l'Apôtre. Les commandements que Dieu adresse aux hommes concernent des oeuvres de vertus: on obéit d'autant plus à Dieu qu'on accomplit plus parfaitement un acte de vertu. De toutes les vertus, la première est la charité, à laquelle toutes les autres se rapportent. Et accomplissant à la perfection un acte de charité, le Christ a donc été souverainement obéissant à l'égard de Dieu. Or il n'y a pas d'acte de charité plus parfait que celui qui consiste pour un homme à subir la mort même, pour l'amour de quelqu'un, selon la parole du Seigneur: Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Il apparaît donc que le Christ, en subissant la mort pour le salut des hommes et à la gloire de Dieu le Père, a été souverainement obéissant à l'égard de Dieu, en accomplissant un acte parfait de charité. Cela n'est pas incompatible avec sa divinité, comme le prétendait la quatorzième objection. L'union s'est en effet accomplie de telle sorte que chaque nature, la divine et l'humaine, a gardé son caractère propre. Aussi bien, alors que le Christ subissait la mort et tout ce qui est propre à la nature humaine, la divinité demeurait impassible, bien que, en raison de l'unité de personne, nous disions que Dieu a souffert et est mort. De cela nous-mêmes offrons un certain exemple, puisque, quand notre corps est frappé par la mort, notre âme demeure immortelle.

15. Bien que Dieu ne veuille pas la mort des hommes, - c'était la quinzième objection -, il faut bien savoir qu'il veut la vertu qui permet à l'homme de supporter la mort avec force, et de s'offrir, par charité, aux dangers qui peuvent l'entraîner. Ainsi Dieu a-t-il voulu la mort du Christ, pour autant que le Christ l'a acceptée par charité et supportée avec force.

16. De là il ressort clairement qu'il n'a pas été impie et cruel de la part de Dieu le Père de vouloir la mort du Christ, comme le prétendait la seizième objection. Dieu en effet n'a pas contraint le Christ contre son gré; il y eut au contraire complaisance à son égard de la volonté qui, par charité, fit accepter au Christ la mort. Et cette charité, c'est lui, Dieu, qui la produisit dans son âme.

17. Il n'y a de même aucun inconvénient à dire que le Christ a voulu subir la mort de la Croix, en preuve d'humilité. Bien sûr, l'humilité ne convient pas à Dieu, comme le rappelait la dix-septième objection. La vertu d'humilité consiste en effet pour chacun à se tenir dans ses limites, en ne se haussant pas vers ce qui est au-dessus de soi, et à se soumettre à son supérieur. Il est évident que l'humilité ne peut convenir à Dieu qui n'a pas de supérieur, mais qui est lui-même supérieur à tout. Mais s'il arrive que quelqu'un se soumette par humilité à un égal ou à un inférieur, c'est parce qu'il juge supérieur, sous un certain rapport, celui qui, absolument parlant, est égal ou inférieur à lui. Bien qu'elle ne convienne pas au Christ sous le rapport de la nature divine, la vertu d'humilité lui convient cependant sous le rapport de la nature humaine; et la divinité du Christ rend son humilité plus digne d'éloge; la dignité d'une personne ajoute en effet à l'éloge que mérite son humilité, par exemple quand, en raison d'une certaine nécessité, un grand personnage juge utile de supporter les plus basses mesquineries. Or il ne peut y avoir de plus grande dignité pour l'homme que d'être Dieu. L'humilité de l'homme-Dieu se trouve donc être digne des plus hauts éloges, pendant qu'il supportait les abaissements qu'il lui fallut souffrir pour le salut des hommes. Par orgueil en effet, les hommes étaient passionnés de gloire mondaine. Afin de convertir leur esprit de l'amour de cette gloire mondaine à l'amour de la gloire de Dieu, il voulut souffrir la mort, non pas une mort quelconque, mais la mort la plus infamante. Il s'en trouve en effet qui, sans craindre la mort, ont horreur d'une mort infamante. Cette mort même, le Seigneur, par l'exemple de sa propre mort, encourage les hommes à la mépriser.

18. Sans doute, comme le voulait la dix-huitième objection, des paroles divines pouvaient former les hommes à l'humilité, mais les faits provoquent davantage à agir que les paroles, et avec d'autant plus d'efficacité que la réputation de vertu de celui qui agit ainsi est mieux assurée. Ainsi, bien que l'on trouve chez d'autres hommes de nombreux exemples d'humilité, il était donc extrêmement à propos d'y être provoqué par l'exemple de l'homme-Dieu, dont on sait qu'il ne peut se tromper, et dont l'humilité est d'autant plus admirable que plus sublime est sa majesté.

19. Il est également manifeste, après ce que nous avons dit, que le Christ devait subir la mort, non seulement pour donner l'exemple du mépris de la mort, par amour de la vérité, mais aussi pour purifier les autres hommes de leurs péchés. C'est ce qu'il a fait en voulant subir, lui qui était sans péché, la mort due au péché, afin de prendre sur lui, en satisfaisant pour eux, la peine à laquelle les autres hommes étaient obligés. Sans doute, comme l'affirmait la dix-neuvième objection, la seule grâce de Dieu pouvait suffire à remettre les péchés; la rémission des péchés exige cependant quelque chose de la part de celui à qui le péché est remis: qu'il présente satisfaction à celui qu'il a offensé. Et comme les autres hommes ne pouvaient le faire pour eux-mêmes, le Christ l'a fait pour tous en subissant par charité une mort volontaire.

20. Et bien que la punition des péchés, comme le rappelait la vingtième objection, demande que celui qui a péché soit puni, la satisfaction, elle, permet qu'un homme supporte la peine d'un autre. En effet dans le cas de la peine infligée pour le péché, c'est l'injustice de celui qui est puni qui est pesée; dans le cas de la satisfaction, par contre, où quelqu'un prend sur soi volontairement une peine, ce qui est évalué, c'est la charité et la bonne volonté de celui qui satisfait, charité et bonne volonté qui se manifestent au maximum quand quelqu'un prend sur soi la peine d'un autre. C'est pourquoi Dieu accepte qu'on satisfasse pour un autre, comme on l'a montré au Livre troisième.

21. Mais satisfaire pour le genre humain tout entier, nous l'avons montré plus haut, aucun homme, simplement homme, ne le pouvait: l'ange lui-même, comme le proposait la vingt et unième objection, n'y pouvait suffire. C'est qu'en effet l'Ange, bien que plus puissant que l'homme par certaines de ses propriétés naturelles, lui est cependant égal en ce qui concerne la participation à la béatitude, à laquelle devait le ramener sa satisfaction. - Et d'ailleurs la dignité de l'homme ne serait pas pleinement restaurée, au cas où l'homme se verrait soumis à un ange qui satisfasse pour lui.

22. On doit savoir d'autre part que si la mort du Christ a eu le pouvoir de satisfaire, ce fut en raison de la charité du Christ, qui lui fît subir volontairement la mort, et non en raison de l'iniquité des bourreaux, qui péchèrent en le mettant à mort. Le péché, en effet, ne détruit pas le péché, comme le rappelait la vingt deuxième objection.

23. Le caractère satisfactoire de la mort du Christ ne requérait aucunement que le Christ mourût autant de fois que les hommes pêchent. La mort du Christ a suffi, en effet, à expier les péchés de tous, aussi bien en raison de l'éminente charité qui lui fit subir la mort, qu'en raison de la dignité de la personne qui satisfaisait, qui était Dieu et homme. Il est évident d'ailleurs que même dans les choses humaines, plus une personne est élevée en dignité et plus la peine qu'elle subit a de poids, que ce soit pour manifester l'humilité et la charité de celui qui la souffre, ou pour manifester la faute de celui qui en est la cause.

24. La mort du Christ a satisfait en suffisance pour le péché de tout le genre humain. Bien sûr, comme le rappelait la vingt quatrième objection, c'est seulement dans sa nature humaine que le Christ est mort; cependant la dignité de la personne de celui qui la subissait, la personne du Fils de Dieu, rend sa mort d'un grand prix. Comme on l'a dit au Livre troisième, de même que c'est un plus grand crime de faire injure à une personne constituée dans une plus grande dignité, de même c'est acte de plus grande vertu, et procédant d'une plus grande charité, qu'une personne plus noble se soumette, pour les autres, volontairement à la souffrance.

25. Certes, par sa mort, le Christ a satisfait en suffisance pour le péché originel; mais il n'est pas messéant, comme le prétendait la vingt-cinquième objection, que les pénalités qui découlent du péché originel affectent encore tous ceux qui ont part à la rédemption du Christ. Il était à propos, et utile, en effet, que la peine demeurât, même la faute détruite. Premièrement, il y aurait ainsi conformité des fidèles avec le Christ, comme de membres à leur tête. Comme le Christ a d'abord supporté de nombreuses souffrances, et qu'il est ainsi entré dans la gloire de l'immortalité, de même convenait-il que ses fidèles soient d'abord soumis aux souffrances pour parvenir ainsi à l'immortalité, portant pour ainsi dire eux-mêmes les marques de la passion du Christ, afin d'avoir part à la ressemblance de sa gloire, selon le mot de l'Apôtre, dans l'Épître aux Romains: Héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui. Deuxièmement, si les hommes qui viennent à Jésus obtenaient aussitôt l'immortalité et l'impassibilité, un grand nombre d'hommes viendraient au Christ beaucoup plus pour un bénéfice d'ordre corporel que pour des biens d'ordre spirituel. Or ceci est contraire à l'intention du Christ, qui vient dans le monde pour faire passer les hommes de l'amour des réalités corporelles au domaine des réalités spirituelles. Troisièmement, si ceux qui accèdent au Christ devenaient aussitôt impassibles et immortels, ce serait d'une certaine manière obliger les hommes à recevoir la foi du Christ. Le mérite de la foi en serait diminué.

26. Encore que le Christ ait, par sa mort, satisfait suffisamment pour les péchés du genre humain, comme l'affirmait la vingt-sixième objection, chacun cependant doit se mettre en quête des remèdes de son propre salut. La mort du Christ est en effet comme la cause universelle du salut, de même que le péché du premier homme avait été en quelque sorte la cause universelle de la damnation. Or pour que chacun reçoive l'effet d'une cause universelle, il faut que cette cause lui soit appliquée en particulier. L'effet du péché du premier père parvient à chacun à travers sa naissance charnelle; l'effet de la mort du Christ atteint chacun par la régénération spirituelle, grâce à laquelle l'homme est d'une certaine manière uni et incorporé au Christ. Aussi faut-il que chacun cherche à être régénéré par le Christ et à recevoir les autres moyens par où opère la vertu de la mort du Christ.

27. On voit par là comment le salut ne découle pas, du Christ dans les hommes, par une filiation de nature, mais par l'amour d'une volonté bien disposée qui fait adhérer l'homme au Christ. Ainsi, ce que chacun reçoit du Christ, c'est un bien personnel. Ce bien, l'homme ne le transmet donc pas à ses descendants, comme il le fait pour le péché du premier père, produit en même temps que la filiation de nature. De là vient aussi qu'il n'y a pas d'incohérence, comme le prétendait la vingt-septième objection, à ce que, les parents étant purifiés par le Christ du péché originel, leurs enfants naissent avec ce péché, et qu'ils aient besoin des sacrements du salut. Tout ce qui précède manifeste assez clairement que ce que la foi catholique enseigne touchant le mystère de l'Incarnation ne se heurte à aucune impossibilité ni à aucune inconvenance.

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