Hold-up sur l’œuvre de Mgr Lefebvre Le feuilleton des relations de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
(FSSPX, fondée par Mgr Lefebvre) avec Rome n’en finit pas de faire la
une de l’actualité.
Dernière nouvelle : le supérieur de la FSSPX, Mgr Bernard Fellay,
refuserait de signer le préambule doctrinal que lui propose le Vatican,
alors que ce texte a fait l’objet d’âpres négociations depuis près d’un
an. Dans le même temps, on apprend que Mgr Williamson est interdit
d’assister aux ordinations sacerdotales du 29 juin et au chapitre
général de sa congrégation. Enfin plusieurs communautés religieuses
traditionalistes (dominicains d’Avrillé, capucins de Morgon) ne pourront
faire ordonner leurs candidats cette année.
Voici douze ans que la FSSPX se rapproche petit à petit des autorités
vaticanes. A la mi-avril tout semblait bouclé. Ce nouveau recul de
Mgr Fellay est-il vraiment réel ? Tout laisse penser qu’il masque
seulement d’ultimes manœuvres pour désarmer les oppositions internes.
En effet celles-ci ne manquent pas. Ce sont tout d’abord les trois
confrères dans l’épiscopat de Mgr Fellay qui l’ont solennellement mis en
garde. Ce sont ensuite plusieurs simples prêtres qui, au risque de se
faire exclure de leur congrégation, n’ont pas hésité à manifester
publiquement leur opposition à une “régularisation” canonique alors que
subsistent des désaccords doctrinaux majeurs.
Les clercs sont divisés et les fidèles inquiets. Mgr Fellay, qui
croyait rallier son petit monde à Benoît XVI en douceur, a en réalité
allumé un incendie dans la maison. Il apparaît isolé parmi ses confrères
même si la plupart d’entre eux n’osent s’exprimer par crainte du
renvoi. La terreur règne.
COMMENT EN EST-ON ARRIVÉ LÀ ?
Mgr Fellay a été nommé supérieur général de la FSSPX en juillet 1994.
Il dirige la congrégation depuis dix-huit ans. Auparavant il était l’un
des principaux collaborateurs de l’abbé Franz Schmidberger, nommé
supérieur pour succéder à Mgr Lefebvre en 1982.
Il n’est pas exagéré de dire que Mgr Fellay a été formé par l’abbé
Schmidberger, dont il reste proche et qui n’hésite pas à le reprendre
vivement quand les choses n’avancent pas à son goût.
L’abbé Schmidberger, issu d’une famille paysanne de Souabe, est
aujourd’hui supérieur du district d’Allemagne de la FSSPX. Il a toujours
gardé le contact avec le cardinal Ratzinger, dont il avait suivi les
cours pendant ses études. D’après la rumeur, il enverrait chaque année
des fleurs à son ancien professeur pour son anniversaire. Il avait joué
un grand rôle lors des premières négociations de la FSSPX menées en 1988
par Mgr Lefebvre avec la Rome moderniste et apostate… représentée par
le cardinal Ratzinger. Cette année-là Mgr Lefebvre signa un accord avec
le cardinal qu’il renia le lendemain et procéda au sacre des quatre
évêques ci-dessus.
Mgr Fellay, qui réside en Suisse allemande, aime à s’entourer de
prêtres germanophones, comme son bras droit l’abbé Pfluger. En réalité,
et alors même que la plupart de ses fidèles sont français, la FSSPX est
dirigée par des Allemands.
L’abbé Schmidberger était présent lors de l’audience d’août 2005 au
cours de laquelle Benoît XVI et Mgr Fellay ont mis en place les étapes
du processus de ralliement de la FSSPX à l’église conciliaire. La
brutale reprise en main de la FSSPX à laquelle nous assistons porte sa
marque.
Car le processus de retour dans l’église conciliaire des
traditionalistes lefebvristes n’a rien d’un fleuve tranquille. Commencé
en août 2000 à l’occasion d’un pèlerinage des traditionalistes à Rome au
cours duquel le cardinal Castrillon Hoyos avait reçu les quatre
évêques, il avait connu un brutal coup d’arrêt en 2001 face à
l’opposition vigoureuse de nombreux prêtres et laïcs. Sans doute
d’accord avec Rome, Mgr Fellay s’employa dès lors à remettre de l’ordre
chez lui. Cela commença par une reprise en main des séminaires : furent
écartés des ordinations tous les esprits libres. Mgr Fellay déclarait en
privé qu’il préférait avoir moins de prêtres pourvu qu’ils soient
obéissants. Cette gestion malthusienne brutale entraîna une grave crise
en 2004 qui vit le départ de la FSSPX de fortes personnalités comme les
abbés Laguérie et de Tanoüarn, aujourd’hui ralliés. Mgr Fellay s’employa
ensuite à écarter des postes de responsabilité, notamment ceux qui
ouvrent accès au chapitre général de la congrégation, les prêtres qui ne
partageaient pas son attrait pour la Rome conciliaire. Cette politique
lui permit de conserver son fauteuil au chapitre de 2006, tant il est
plus facile d’être réélu quand on nomme soi-même les électeurs.
L’élection de Benoît XVI en 2005 avait relancé les négociations. Il
fut convenu d’avancer lentement. Afin de rassurer les opposants,
Mgr Fellay promit qu’aucun accord n’aurait lieu sans la réalisation de
préalables qui paraissaient impossibles à obtenir. Il s’agissait tout
d’abord de la levée des excommunications frappant les évêques
traditionalistes et ensuite que Benoît XVI “libère” la messe
traditionnelle. Ces “préalables” étaient une idée de Mgr Rifan, évêque
de Campos aujourd’hui rallié.
Mgr Fellay qui affecte une grande piété mariale au point que ses
partisans lui prêtent une véritable sainteté digne, pensent-ils, de
Mgr Lefebvre, appela les fidèles à réciter (et à comptabiliser) des
millions de chapelets. Les objectifs étaient quantitatifs ! Cela les
occuperait au lieu qu’ils perdent leur temps à se renseigner sur
Internet !
Face aux gros chiffres de Rosaires dûment consignés par la FSSPX, le Ciel dût bien se résoudre à faire les “miracles” demandés.
Ainsi Benoît XVI leva les excommunications après que les évêques en
eurent fait la demande écrite. Il ne faut pas décourager ceux qui
montrent de la bonne volonté. Et puis Paul VI l’avait bien fait en 1965
pour le patriarche Athénagoras. D’ailleurs ces peines d’un autre âge
n’intéressent personne. Quant à la messe traditionnelle, il décida
qu’elle pouvait être célébrée à titre “extraordinaire” : une place en
quelque sorte folklorique dans le patrimoine catholique.
Vint ensuite l’étape des discussions doctrinales. C’était le cœur de
la question : pour se mettre d’accord il faut professer la même foi.
Ces discussions furent entourées du secret le plus opaque, car on n’était pas trop sûr de leur issue.
Las, ces discussions débouchèrent sur un échec complet. D’après les
théologiens, il est impossible de réconcilier les doctrines issues de
Vatican II avec l’enseignement antérieur des papes, particulièrement sur
la question des rapports avec les autres religions et la place de la
religion chrétienne dans la société. Les experts traditionalistes
sortaient de deux ans de discussions plus aguerris que jamais : l’accord
apparaissait impossible !
Il faudrait beaucoup travailler le texte pour signer un accord où
chacun pourrait lire l’inverse de ce qu’y lirait son interlocuteur ! Ce
fut le travail des dernier mois. Mgr Fellay maintint un strict secret
(selon des méthodes maçonniques) sur le projet de Préambule dont
l’impact toucherait incontestablement la foi de tous les
traditionalistes. Même les prêtres (les évêques ?) de la FSSPX n’en
eurent pas connaissance, ce qui créa un véritable malaise.
Mais plus c’est gros, plus ça passe ! L’abbé Pfluger a expliqué voici
deux semaines dans le sud de la France que l’objectif des discussions
doctrinales n’avait jamais été de convaincre les interlocuteurs des
traditionalistes. Il s’agissait au plus de mesurer les différences.
Mgr Fellay s’apprête donc au même accord purement pratique qu’il avait
reproché à ses anciens confrères de l’Institut du Bon Pasteur d’avoir
signé.
POURQUOI DONC LE REVIREMENT ACTUEL ?
C’est que la rébellion gronde. La FSSPX est menacée d’éclatement.
Rome n’a pas envie de récupérer une coquille vide, même si cette
coquille apporte le patrimoine de la FSSPX qui semble important. Ce qui
intéresse Benoît XVI est de faire cesser cette dissidence qui conteste
Vatican II et jette par conséquent le doute sur sa propre légitimité. Il
faut donc que la troupe suive.
Rome a alors opportunément relevé ses exigences doctrinales, donnant
ainsi le beau rôle de défenseur de l’orthodoxie à Mgr Fellay qui
s’empresse désormais de refuser le préambule doctrinal. Bien entendu,
Mgr Fellay va mettre à profit ce nouveau délai pour “nettoyer” les
poches de résistance. Les têtes vont tomber. A commencer par celle de
Mgr Williamson qui constitue un obstacle au rapprochement à lui tout
seul, puisqu’il s’est mis à dos la communauté juive. D’autres suivront.
Comment va se passer le chapitre général ? Il y a fort à parier que
ce sera un non-évènement. Mgr Fellay écarte d’autorité ses opposants. Il
répète qu’il s’agit d’un « chapitre d’affaires », non prévu par les
statuts. Il maîtrise parfaitement l’ordre du jour. Les statuts
d’ailleurs n’apparaissent pas son souci principal et les modalités de
convocation de ce « chapitre d’affaires » mériteraient sans doute un
examen de conformité. Mgr Fellay ne semble guère inquiet de l’issue des
débats. Les têtes vont tomber.
Nous assistons à un hold-up sur l’œuvre de Mgr Lefebvre mené par le commando allemand de Benoît XVI.
Pierre LABAT.
source
http://sedevacantisme.wordpress.com/2012/06/28/hold-up-sur-loeuvre-de-mgr-lefebvre/